J'ai lu cette biographie il y a déjà quelques semaines, mais n'avais pas encore eu le temps de publier un post. Il s'agit d'une biographie très complète écrite par un journaliste du Canard Enchaîné, Alain Guédé, publiée chez Babel. Pour rappel, le Chevalier de Saint-George, de son vrai nom Joseph Boulogne (ou Bologne, comme la distillerie ; l'orthographe du nom n'est pas clairement fixée), est le fils d'une esclave et d'un planteur, né sur une plantation entre Basse-Terre et Baillif, et devenu un virtuose tant du violon que de l'épée. A la fin du XVIIIème siècle (j'ai une grande passion pour ce siècle...), il était considéré comme un des meilleurs violonistes et compositeurs d'Europe (Mozart s'en est en partie inspiré), et aussi comme le meilleur épéiste, à égalité avec le célèbre Chevalier d'Eon. Il participera également à la Révolution Française du côté des sans-culottes, et mourra trois ans avant que Napoléon ne rétablisse l'esclavage en 1802 (soit huit ans après sa première abolition en 1794). Il aurait également été le frère d'arme du général Dumas, père métissé du célèbre écrivain. Il a également donné des cours de musique à le reine Marie-Antoinette, et il me semble que l'on peut l'apercevoir dans le film de Sofia Coppola...Une vie romanesque s'il en est ! A quand le film... ? Bartabas a déjà fait un très bon spectacle équestre sur le Chevalier, en 2004 à l'occasion des fêtes de nuit du château de Versailles (Le Chevalier de St George : un Africain à la Cour).
En tout cas, cette biographie plutôt romancée est très bien documentée, le journaliste ayant fait un excellent travail de recherche tant en Guadeloupe qu'aux archives d'outre-mer d'Aix-en-Provence. Il a même réussi à reconstituer un catalogue des compositions du Guadeloupéen sur le site https://saint-george.phpnet.org/html/catalogue.htm
Allez, un petit passage :
"Sa musique incarne une époque où l'on pense enfin que le premier devoir de l'homme sera d'être heureux. [...] Saint-George fait de la musique un art pictural. Mais le grand La Laurencie s'est sans doute -un peu- trompé lorsqu'il fait de Saint-George le Watteau de la musique. Joseph n'arrive sur le devant de la scène que bien après la mort du peintre. Et il est sans doute beaucoup plus proche d'un Boucher ou, surtout, du Fragonard des Fêtes galantes pour la grâce des thèmes et la légèreté des du trait. Mais il pourrait aussi s'assimiler à un Greuze -l'artiste favori de Diderot- par l'intensité de l'émotion que véhiculent ses passages mélancoliques. Deux siècles plus tard, sa musique est étrangement actuelle. Elle parle à la personne humaine et perce les âmes. Mais aussi elle développe des mélodies qui s'incrustent dans les esprits. Les musicologues ont longtemps expliqué le succès de La Flûte enchantée par le fait qu'après avoir entendu ses airs une seule fois, le spectateur pouvait les fredonner ou les siffloter aussitôt après le baisser du rideau. Ce que Wolfgang a réussi avec La Flûte enchantée, Joseph le répète à des dizaines de reprises. En écoutant Mozart, on se prend à regretter que l'harmoniste ait parfois tué le mélodiste. Plus besoin d'harmonies savantes, même si elles restent présentes, chez Saint-George. Ses airs se gravent entre les oreilles, pour n'en plus sortir. Il s'implique dans sa musique. Il la fait virer, rire ou pleurer. Et plus que tout autre il annonce le romantisme."
1 commentaire:
Cela donne vraiment envie de découvrir cette biographie, vous l'évoquez d'une manière très intéressante et j'ignorais tout de cet homme alors qu'en général, ce qui touche à la Guadeloupe m'interpelle ! Merci pour cette belle découverte !
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