28 août 2009

Pèp-la ??

Voici une réflexion du toujours très juste Jacky Dahomay (enfin, de mon point de vue...), parue dans le France-Antilles de ce matin:
"Décidément, comme disent certains théoriciens du politique, le peuple est vraiment introuvable! Est-ce comme le pensaient les pères fondateurs de la République, l'ensemble des citoyens administrés par un même État régi par une administration et une législation communes ? Dans ce cas, il y a un peuple français mais non un peuple guadeloupéen, car nous ne sommes pas gouvernés pas des institutions qui seraient radicalement indépendantes de celles de la France. On pourrait dire que nous sommes une nation mais sans État propre. Mais la nation peut-elle exister sans État ? Les premières nations qui se sont constituées dans l'histoire de l'humanité, notamment en Europe, ont dépassé la cité et l'empire grâce au renforcement de leur État sous la monarchie absolue. Les nations n'ont donc pas toujours existé et il y a eu d'autres formes d'identité collective que l'identité nationale.
Mais il y a bien eu un peuple caraïbe ignorant totalement l'Etat. Dans ce cas, nous entendons par peuple une communauté soudée par une culture, une histoire et un destin commun. C'est donc une définition anthropologique du peuple qui convient ici et nul ne saurait nier qu'il existe en ce sens un peuple guadeloupéen et un peuple martiniquais dans cette acception anthropologique et non politique du terme.
Cependant, l'actualité vient précipiter le débat autour de la notion de peuple. Pour l'État français, il n'y a qu'un peuple français, c'est-à-dire la communauté des citoyens formant la nation française et un Guadeloupéen en ce sens est aussi français qu'un Breton, car juridiquement, en tant que citoyen français, il a les mêmes droits politiques que tous les autres Français. La Constitution ne peut donc légitimement parler de peuples d'Outre-mer mais de populations d'Outre-mer. Mais n'est-ce pas du mépris pour nous, une non reconnaissance de nos spécificités voire de notre identité ? Car nous avons bien le sentiment de faire peuple. Or, qu'est-ce que faire peuple ? C'est à y perdre son créole, ou son français, si vous préférez. Car si nous sommes sûrs d'être un peuple, pourquoi vouloir « faire peuple » ? C'est que nous sommes peuple sur le mode de ne-l'être-pas ou de ne-l'être-pas assez. Nous ne voulons pas nous contenter d'être simplement un peuple anthropologique : nous voulons faire peuple politiquement.
Les choses alors se clarifient. Voilà un peuple anthropologique qui veut devenir un peuple politique. La solution ? L'indépendance bien sûr, la chose est claire. Or, nous voulons être guadeloupéens sans renoncer à la citoyenneté française. Qu'ils sont donc compliqués, ces Antillais, dira-t-on de l'Hexagone! Saurons-nous donc jamais ce qu'ils veulent ? Le peuple veut donc faire peuple politiquement, mais sans constituer une collectivité politique indépendante. Comment se sortir d'un tel imbroglio ? Consultez donc le peuple et il vous dira ce qu'il veut. Mais c'est précisément là où le bât blesse.
Avec les états généraux, le président de la République espère se débrouiller de tous ces problèmes que lui posent ces Dom quelque peu tumultueux. Il pense ainsi consulter les peuples ou plutôt les populations (on ne sait plus très bien) d'Outre-mer sur leur devenir. Fausse légitimité diront certains élus, c'est nous les représentants politiques du peuple guadeloupéen ou du peuple martiniquais et nous sommes dûment mandatés pour consulter notre peuple comme nous le faisons en Guadeloupe avec sa consultation quant à un projet guadeloupéen. Contrairement à leurs homologues martiniquais, nos élus veulent un projet qui vienne du peuple, élaboré par le peuple et sur lequel le peuple tranchera. Belle leçon tout de même de démocratie participative.
Non! disent Domota et les dirigeants du LKP. Le peuple c'est nous, pèp-la ; nous avons mis des dizaines de milliers de manifestants dans les rues et nous exprimons toutes les demandes du peuple donc nous sommes le peuple légitime. D'ailleurs les élections sont un piège à cons, les élus des pantins ou bwa bwa et la démocratie directe doit prévaloir sur la démocratie représentative. Je dois avouer que je m'y perds et que l'heure de ma retraite philosophico-politique a bientôt sonné. Faisons encore un effort même si nous nous sentons quelque peu « moribonds » pour reprendre une expression de Domota nous qualifiant.
Entre le peuple de Sarkozy et celui de nos élus, la question semble réglée car le président a déclaré solennellement que la position de nos élus est légitime et qu'il la respectera. Cela fait avancer les choses. Reste donc à choisir entre le peuple de nos élus et le peuple de LKP. Mais comment trancher ? J'avoue mon total embarras. Je suis persuadé que la solution ne sera pas purement intellectuelle. Si le LKP maintient sa position, on va donc vers un affrontement entre les deux peuples, chacun étant assuré de sa légitimité, un conflit entre deux peuples dans un même peuple, ce qu'on appelle au fond une guerre civile. Que faire ? La balle est dans ton camp, peuple guadeloupéen, source de la souveraineté, et tu as intérêt de te grouiller car il ne te reste que dix-huit mois pour trancher."

24 août 2009

La Gwadloup sé ta pon moun, la Gwadloup sé ta tout moun

Petit post de retour de vacances. Après six semaines passées sur une autre île (île de Manhattan, quelque part perdue en Amérique du Nord, mon énième séjour là-bas), le retour en Guadeloupe ne se fait pas sans quelques observations.

Tout d'abord, les îles des Antilles se veulent des creusets multiculturels. Allons prendre des leçons sur cette autre île, où certes les communautés sont pour beaucoup installées par quartier (Chinois, Coréens, Africains, Latinos, Russes, Indiens, Juifs...), mais où on a vraiment l'impression que la ville est à tout le monde, que tous ceux qui veulent venir s'y installer et prospérer y sont les bienvenus. Tout le monde mène sa vie, et chacun "mind his own business".

Par ailleurs, en revenant ici, il m'a fallu me réhabituer avec le célèbre service clientèle local (voire national, car c'est pareil dans l'Hexagone). Parfois, on a l'impression qu'on dérange les commerçants, et que notre fric pue, ne serait-ce que pour acheter un bokit dans une baraque sur la plage. Dans cette autre île, le client est roi, puisque c'est lui qui te fait vivre ! Business is business. Ce fameux tabou français du fric (on a honte de faire du fric) m'exaspère parfois...

Cela dit, j'encourage tous les touristes potentiels qui me lisent à venir en Guadeloupe. L'île a besoin du tourisme pour vivre, et l'heure est grave (les touristes ont déserté l'île, de plus en plus de résidents font leurs valises... attention à la fuite des cerveaux et des forces vives...). Pendant mon séjour là-bas, j'ai pu lire à loisir des guides touristiques (le Fodors et le Frommers) sur les Caraïbes (les guides sont de gros pavés de 800 pages sur toutes les îles des Antilles sauf Haïti (trop dangereux !), Cuba et Porto-Rico (ont leur propre guide)). La Guadeloupe et la Martinique y étaient traitées. Les guides en disaient plutôt du bien, mais pour attirer la clientèle Nord-Américaine (grande pourvoyeuse de billets...), il faudrait faire de gros efforts pour se mettre au niveau d'autres îles de la Caraïbe : accueil, aménagements touristiques, véritable politique de port de croisière, propreté...

En espérant que le L-Ka-tout-Pété ne va pas s'obstiner dans ses méthodes pour cette rentrée capitale.