26 octobre 2014

Ravines du devant-jour

Les posts se font rares cette année 2014... argh, je peine à arriver à 10 articles ! Bon, heureusement, je lis toujours, voici donc un petit article littérature.

Je viens de lire un des premiers ouvrages du Martiniquais Raphaël Confiant. On peut ne pas aimer le personnage et certaines de ses prises de position, toujours est-il que si on n'est pas allergique à ce style fortement créolisé lancé par lui et son compère Chamoiseau dans les années 1990, ses ouvrages sont plutôt agréables et plaisants à lire.

C'est le cas pour celui-ci. Il s'agit d'une sorte d'autobiographie d'une partie de son enfance (entre 7 et 9 ans apparemment), où il évoque sa vie dans l'habitation de sa famille maternelle sur les hauteurs du Lorrain. Certains chapitres sur la fin du roman parlent aussi de sa vie avec sa famille paternelle, dans Fort-de-France même.

Les différents chapitres racontent donc plusieurs épisodes, sans véritablement d'ordre, la structure semblant suivre les souvenirs au moment où ils apparaissent. Chaque épisode a cela dit une forte unité, un début et une fin. Un petit lexique très amusant et rédigé par Confiant lui-même vient clore l’œuvre.

Pour finir, voici comme d'habitude un extrait d'un chapitre que j'ai trouvé fort amusant : celui où le petit " 'phaël " réalise qu'il est un chabin, avec tout ce que cela sous-entend...


" - Fous-moi le camp, les chabins sont une mauvaise race que Dieu n'aurait jamais dû mettre sur la terre !
   Le mot te pétrifie pour la première fois de ton existence : chabin ! D'ordinaire, il est prononcé avec gentillesse par ceux qui t'entourent, encore qu'il t'est arrivé de t'étonner qu'on te désigne toujours par ce vocable tandis qu'on ne dit jamais "noir" ou "mulâtre" à tout propos aux gens de cette complexion. Tu sens confusément que le chabin est un être à part. Nègre et pas nègre, blanc et pas blanc à la fois. Toutefois, tu ne t'es pas encore rendu compte de l'ampleur de la distance que la couleur de ta peau et de tes cheveux crée entre les gens du commun et toi.
  Après le babillage de Man Cia, tu cours te réfugier dans les pans de la robe créole de grand-mère et tu hoquettes :
  - Je veux être comme tout le monde...
  - Ah !... c'est pas possible, pauvre petit bougre, puisque tu es chabin.
  - Un chabin c'est quoi ? as-tu demandé.
  Man Yise demeure pensive un court moment puis éclate d'une feinte colère :
  - Mais, Bondieu-Seigneur-la-Vierge-Marie, qu'est-ce qui m'arrive là ? Qu'est-ce que je vois devant moi là : un chabin mol ? Mais c'est impossible ! IMPOSSIBLE ! Un chabin, ça crie, ça trépigne, ça frappe, ça injurie, ça menace. Jamais ça ne mollit, mon vieux !
  De ce jour naît ta férocité. "

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