28 novembre 2011

L'Ile du lézard vert

Dernier livre que je viens juste de finir, ce roman d'Eduardo Manet (écrivain franco-cubain écrivant en français) fut une bonne surprise. "Surprise" car je n'avais pas trop aimé le précédent livre que j'avais lu de lui, La Conquistadora. Je n'avais d'ailleurs pas écrit de post à ce sujet à l'époque. Ce roman m'avait paru un peu trop "soap", un peu trop sous-littérature ou tout du moins littérature de divertissement sans réel fond, qui se laisse lire rapidement dans les transports en commun.

Rien à voir avec L'Ile du lézard vert, publié en 1992. Peut-être parce que l'histoire se déroule à Cuba à la fin des années 1940, et qu'une bonne part est certainement autobiographique (le héros a le même âge que l'auteur dans ces années-là). Il s'agit donc de l'histoire de Chino, jeune Cubain de 18 ans qui finit le lycée et entre à l'université à La Havane. C'est un roman d'initiation à la vie adulte dans toutes ses dimensions : Chino va découvrir la vie professionnelle, les femmes, l'engagement politique, les joies et les désillusions de l'amitié en même temps qu'il va essayer de construire son identité (qui pose problème puisque sa mère est juive). Le lecteur assiste donc à ce parcours individuel de passage à l'âge adulte en même temps qu'il découvre une société cubaine qui commence à céder aux chants du communisme. Voici un extrait que j'ai bien aimé.



"Bien qu'il soit neuf heures du soir, le soleil est haut dans le ciel. Le phare de la Punta, à la pointe extrême de l'avenue du Malecon, découpe sa silhouette en contre-jour sur le ciel encore bleu. C'est d'ici que les voyageurs arrivant par la mer aperçoivent la forteresse de la Cabaña et le château d'El Morro, construits sous la colonisation espagnole. Plus loin à l'horizon, les nuages commencent leur brassage de couleurs, comme la palette d'un peintre ivre. Des traînées de lueurs violettes où se fondent des jaunes et des ocres qui se coulent dans le rose. Ce désordre chromatique temporaire du ciel préfigure la chute du soleil dans les eaux du golfe du Mexique.
Tout petit, ma mère m'amenait souvent sur l'avenue du Malecon à la tombée du jour. Elle en profitait pour me donner ce qu'elle appelait "une leçon de géographie vivante". Car elle avait de la géographie et des forces de la nature une conception assez personnelle.
- Tu vois, Niño, me disait-elle, cette île est merveilleuse, unique. Nous sommes juste en dessous du tropique du Cancer. Et pourtant cette vaste mer immobile est à la confluence de courants très divers. A l'ouest nous avons...
- L'ouest ?
- Oui, là, à gauche en se tenant face à la mer, à l'ouest nous avons le golfe du Mexique. A l'est, l'océan Atlantique. La mer et l'océan se mélangent dans le détroit de Floride. C'est ce qui explique les cyclones que nous connaissons. Les eaux mélangées se révoltent car en effet, qu'a donc à voir la mer du golfe du Mexique avec cet océan Atlantique qui nous vient d'Europe ? Dans un détroit dominé par les gringos, en plus. Ça n'explique pas seulement les ouragans, mais aussi les révolutions et la violence de ce pays. Madre de Dios, Niño ! Je ne connais pas de pays plus prédestiné que Cuba à servir d'éprouvette à ce cataclysme mondial, au choc des deux continents !"

4 commentaires:

May a dit…

Et d'où vient le titre, l'île du lézard vert?

Matt a dit…

C'est le surnom donné à Cuba, parce qu'on dirait un lézard alangui dans la mer des Caraïbes.

Xsara Picasso a dit…

Ah il écrit également, Manet ??

Matt a dit…

Manant !